Ode de Ronsard
[...]
Un gentil chevalier qui aime de nature
A nourrir des haras, s'il trouve d'aventure
Un coursier généreux, qui, courant des premiers,
Couronne son seigneur de palme et de lauriers,
Et, couvert de sueur, d'escume et de poussière,
Rapporte à la maison le prix de la carrière:
Quand ses membres sont froids, débiles et perclus,
Que vieillesse l'assaut, que vieil il ne court plus,
N'ayant rien du passé que la monstre honorable;
Son bon maître le loge au plus haut de l'estable,
Luy donne avoine et foin, soigneux de le panser,
Et d'avoir bien servi le fait récompenser;
L'appelle par son nom, et si quelqu'un arrive,
Dit: Voyez ce cheval dont l'haleine poussive
et d'ahan maintenant, bat ses flancs à l'entour,
J'estois monté dessus au camp de Montcontour,
Je l'avais à Jarnac; mais tout enfin se change.
Et lors le vieil coursier qui entend sa louange,
Hennissant et frappant la terre se sourit,
Et bénit son seigneur qui si bien le nourrit.